Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

Je qui avoys ferme entente, et attente
D’estre en Sepulchre honnorable estendu,
Suis tout debout à Montfaulcon pendu,
Là où le vent (quand est fort, et nuysible)
Mon corps agite : et quand il est paisible,
Barbe, et Cheveulx tous blancs me faict branler,
Ne plus ne moins que fueilles d’Arbre en l’Air.
Mes yeux jadis vigilans de nature,
De vieulx Corbeaux sont devenus pasture :
Mon col qui eut l’accol de Chevalier,
Est accolé de trop mortel collier,
Mon corps jadis bien logé, bien vestu,
Est à present de la Gresle battu,
Lavé de Pluye, et du Soleil seiché,
Au plus vif lieu, qui peult estre cherché.
Or pour finir les regretz doloreux
Partans du cueur du Riche malheureux,
Roys, et subjectz, en moy vueillez apprendre,
Que vault grand charge à bailler, et à prendre.
En mon vivant ne fut merveille à veoir
(Veu mon credit) si j’acquis grand avoir :
Mais à ma mort on peult bien veoir adoncques
Ung des grands tours, que Fortune feit oncques.
Long temps me feit appeller Roy de Tours,
Mais puis qu’elle a usé de ses destours
Sur moy Vieillard chetif, et miserable,
Priez à Dieu (ô Peuple venerable)
Que l’âme, soit traictée sans esmoy
Mieulx que le corps : et congnoissez par moy,
Qu’Or, et Argent, dont tous plaisirs procedent,
Causent douleurs, qui tous plaisirs excedent.