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Mais pas ne suis assez vindicatif
Pour ung tel cueur si faulx, et deceptif :
Et neantmoins si me fault il changer
Mon naturel, pour de toy me venger,
A celle fin que mon cueur se descharge
Du pesant faix, dont ta ruse le charge :
Aussi affin de te faire sçavoir,
Qu’à trop grand tort m’as voulu decepvoir,
Veu qu’en mon cueur ta basse qualité
N’a veu qu’Amour, et Liberalité.
Sus donc ma Plume, ores soys ententive
D’entrer en feu d’aigreur vindicative :
Mon juste dueil t’en requiert pour tout seur,
Ne cherche pas termes pleins de doulceur :
Ne trouve Azur, ny Or, en ton chemin,
Ne fin Papier, ne vierge Parchemin,
Pour mon propos escrire rien ne valent.
Cherche des motz, qui tout honneur ravalent,
Trouve de l’encre espesse, et fort obscure,
Avec Papier si gros, qu’on n’en ayt cure :
Et là dessus escriz termes mordans
D’ung traict lisible à tous les regardans,
Pour (à bon droit) rendre celle blasmée
Qu’a bien grand tort tu as tant estimée.
Incontinent, desloyalle Fumelle,
Que j’auray faict, et escript ton Libelle,
Entre les mains le mettray d’une femme,
Qui appellée est Renommée, ou Fame,
Et qui ne sert qu’à dire par le Monde
Le bien, ou mal de ceulx, où il abonde.
Lors Renommée avec ses aesles painctes
Ira volant en Bourgs, et Villes maintes,
Et sonnera sa Trompette d’Argent
Pour autour d’elle assembler toute gent :
Puis hault, et cler de cent langues, qu’elle a,
Dira ta vie ; et puis deçà, et là
Ira chantant les fins tours, dont tu uses,