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Recueil des dernières œuvres

Ne voys tu pas comment Dieu éternel
Par ung courroux de zelle paternel
M’en veult chaffer ? Penfes-tu que l’oultraige,
Que Ferraroys mal nobles de couraige
15 M’ont fait de nuy£t, armez couardement,
Ne foit à moy ung admoneftement
Du Seigneur Dieu pour defloger d’icy ?
Certes encor, quant ne leroit ainfy,
Mon cueur, qui ayme eftre franc & délivre,
Ne pourroit plus parmy telles gens vivre.
Si n’ay je nerf qui à fe venger tende ;
Mais je veulx bien que la Ferrare entende
Que fes manans, à leur grant vitupère,
Se font ruez deffus l’enfant d’un père
Qui des mefchans fait vengeance condigne
Jufqu’à la tierce & la quarte origine ;
Donques à luy j’en laiffe le venger
Et feullement loing d’eulx me veulx renger,
Par quoy, princeffe, ouvre moy de ta grâce
o De mon congé le chemin & la trace,
Affin que voyfe en ville ou en pays
Où les Françoys ne font ainfy hays
Et où mefchantz, fi aucuns y en a,
Sont chafiiez. Mais quel veut te mena,
Princeffe illuftre, icy ufer ta vie !
A ce que voy, France avoit grant envye
Que fon beau lys, de taches exempté,
Fuft au milieu des efpines planté ;
Ce que pourtant as en gré fans te plaindre.
Mais vraye amour vient ma mufe contraindre
D’ainfy parler ; je dy amour venant
D’un cueur françoys, lequel, fe fouvenant
Que tu me feiz en ton parc demourer
Lorfque les loups me vouloient dévorer,
A propoié en pfeaulmes & cantiques
Remémorer les nouveaux & antiques
Dons du Seigneur, fes grâces & bienfaiftz.
Et mefmement ceulx que par toy m’a faiétz,
Defquelz en moy le fouvenir fans ceffe
o Gravé fera. Ne pense pas, princeffe,