Page:Marot - Œuvres, éd. d’Héricault, 1867.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ÉLÉGIES

I.

Quand j’entreprins t’escrire ceste lettre,
Avant qu’un mot à mon gré sceusse mettre,
En cent façons elle fut commencée,
Plustost escripte et plustost effacée,
Soubdain fermée et tout soubdain desclose,
Craignant avoir oublié quelcque chose,
Ou d’avoir mis aulcun mot à refaire.
Et, briefvement, je ne sçavois que faire,
De l’envoyer vers toy, mon réconfort ;
Car, pour certain , Doubte advertissoit fort
Le mien esprit de ne la commencer.
Ne devers toy en chemin l’advancer.
Incessamment venoit Doubte me dire :
"Homme abusé , que veulx-tu plus escrire ?
Tous tes escriptz , envoyez à Fiance,[1]
Sont mis au fons du coffre d’Oubliance.

  1. A Confiance, à quelqu’un de bonne foi.