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LIVRE XII


Je n’écris pas l’histoire de la Révolution. Quæ contentio divina et humana cuncta permiscuit, eoque vecordiæ processit uti studiis civilibus bellum finem faceret (Sallust., Jug.). Mais, si la vie de l’homme est un voyage, puis-je vous raconter la mienne sans dire à travers quels événemens, et par quels torrens, quels abîmes, quels lieux peuplés de tigres et de serpens, elle a passé ? Car c’est ainsi que je me retrace les dix années de nos malheurs, presqu’en doutant si ce n’est pas un violent et funeste songe.

Cette effroyable calamité sera partout décrite en traits de sang : les souvenirs n’en sont que trop ineffaçables ; mais elle a eu des causes dont on ne peut assez observer la nature, car il en est des maladies du corps politique comme de celles du corps humain : pour juger avec vraisemblance