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trois témoins fut donc que La Harpe n’avoit aucun reproche à faire à l’abbé Maury ; et il y eut devant nous, entre eux, une apparence de réconciliation.

« Je n’en crois pas moins, me dit La Harpe, ce que m’a certifié mon ami Shouvalof. — Vous pouvez le croire, lui dis-je ; mais, en honnête homme, vous n’avez plus droit de le dire ; et, sans compter mon opinion, celle de deux hommes aussi justes, aussi impartiaux que Thomas et Gaillard, doit vous fermer la bouche. Pour moi, si, dans le monde, j’entendois répéter vos plaintes, trouvez bon que je rende compte de ce qui vient de se passer chez moi. »

Je pris le même soin d’éclaircir tous les autres faits imputés à l’abbé Maury. Je les trouvai tous supposés, et non seulement dénués de preuves, mais dépourvus de vraisemblance. Dès lors on eut beau s’obstiner à me dire du mal de lui, je répondis que, dans la louange comme dans la satire, les épithètes gratuites ne prouvoient que la bassesse du flatteur ou la malice du médisant ; je défiai même les malveillans d’articuler un fait que je ne fusse en état de détruire ; et, de tout mon crédit, j’engageai mes confrères à consoler un grand talent d’une grande persécution en le recevant à l’Académie. Il fut reçu, et dès lors rien ne fut plus intime que notre mutuelle amitié.