Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir, on avoit soin de les adresser en droiture à son secrétaire. J’écoutai tout le mal qu’on voulut me dire de lui ; et, quand j’eus tout bien entendu, le prenant en particulier : « Vous êtes attaqué, lui dis-je, et c’est à moi de vous défendre ; mais c’est à vous de me donner des armes pour repousser vos ennemis. » Alors je lui expliquai, article par article, tous les torts qu’on lui attribuoit. Il m’écouta sans s’émouvoir ; et, avec une facilité qui m’étonna, il réfuta ces accusations, me démontrant la fausseté des unes, et, pour les autres, me mettant sur la voie de tout vérifier moi-même.

La seule qu’il ne put d’abord démentir que vaguement, parce qu’elle étoit vague, lui étoit intentée par un académicien qui l’accusoit de perfidie et de noirceur. L’accusateur étoit La Harpe, avec lequel il avoit été en grande liaison.

« Puisqu’il m’accuse de perfidie, j’aurois droit, me dit l’abbé Maury, de lui en demander la preuve. Je l’en dispense, et c’est moi qui me charge de prouver qu’il me calomnie, pourvu toutefois qu’il s’explique et qu’il articule des faits. Mettez-moi vis-à-vis de lui. »

Je proposai cette entrevue, et l’accusateur l’accepta ; mais je ne voulus pas être seul témoin et arbitre ; et, en les invitant tous les deux à dîner, je demandai qu’il me fût permis d’admettre à ce