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françois qui eût été mis en musique italienne, et, pour l’exécuter, les plus belles voix et l’élite de l’orchestre de l’Opéra.

L’émotion qu’excita cette nouveauté eut tout le charme de la surprise. Piccini étoit au clavecin ; il animoit l’orchestre et les acteurs du feu de son génie et de son âme. L’ambassadeur de Suède et l’ambassadeur de Naples assistèrent à ce concert ; ils en étoient ravis. Le maréchal de Beauvau fut aussi de la fête. Cette espèce d’enchantement dura jusqu’au souper, où furent invités les chanteurs et les symphonistes.

Ainsi se passa ce beau jour, l’époque et le présage du bonheur qui s’est répandu sur tout le reste de ma vie, à travers les adversités qui l’ont troublé souvent, mais qui ne l’ont point corrompu. Il étoit convenu que nous habiterions ensemble, les deux oncles, la mère et nous, que nous payerions un cinquième par tête dans la dépense du ménage ; et cet arrangement me convenoit à tous égards. Il réunissoit l’avantage de la société domestique à celui d’une société toute formée du dehors, et dont nous n’avions qu’à jouir.

J’ai fait connoître une partie de ceux que nous pouvions appeler nos amis ; mais il en est encore dont je n’ai pas voulu parler comme en passant, et sur lesquels mes souvenirs se plaisent à se reposer.