Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la gloire, c’étoit Thomas ; mais, plus d’accord avec lui-même, celui-ci n’attendoit ses succès que du rare talent qu’il avoit d’exprimer ses sentimens et ses idées, sûr de donner à des sujets communs l’originalité d’une haute éloquence, et à des vérités connues des développemens nouveaux, et beaucoup d’ampleur et d’éclat. Il est vrai qu’absorbé dans ses méditations, et sans cesse préoccupé de ce qui pouvoit lui acquérir une renommée étendue, il négligeoit les petits soins et le léger mérite d’être aimable en société. La gravité de son caractère étoit douce, mais recueillie, silencieuse, et souriant à peine à l’enjouement de la conversation, sans y contribuer jamais. Rarement même se livroit-il sur les sujets qui lui étoient analogues, à moins que ce ne fût dans une société intime et peu nombreuse ; c’étoit là seulement qu’il étoit brillant de lumière, étonnant de fécondité. Pour nos dîners, il y faisoit nombre, et ce n’étoit que par réflexion sur son mérite littéraire et sur ses qualités morales qu’il y étoit considéré. Thomas sacrifia toujours à la vertu, à la vérité, à la gloire, jamais aux grâces ; et il a vécu dans un siècle où, sans l’influence et la faveur des grâces, il n’y avoit point en littérature de brillante réputation.

À propos des grâces, parlons d’une personne qui en avoit tous les dons dans l’esprit et dans