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de quelque vérité nouvelle qui venoit de récompenser et de couronner son travail ; privilège exclusif des sciences exactes, et que nul autre genre d’études ne peut obtenir pleinement.

La sérénité de Mairan et son humeur douce et riante avoient les mêmes causes et le même principe. L’âge avoit fait pour lui ce que la nature avoit fait pour d’Alembert. Il avoit tempéré tous les mouvemens de son âme ; et ce qu’il lui avoit laissé de chaleur n’étoit plus qu’en vivacité dans un esprit gascon, mais rassis, juste et sage, d’un tour original, et d’un sel doux et fin. Il est vrai que le philosophe de Béziers étoit quelquefois soucieux de ce qui se passoit à la Chine ; mais, lorsqu’il en avoit reçu des nouvelles par quelques lettres de son ami le P. Parrenin[1], il en étoit rayonnant de joie.

Ô mes enfans ! quelles âmes que celles qui ne sont inquiètes que des mouvemens de l’écliptique, ou que des mœurs et des arts des Chinois ! Pas un vice qui les dégrade, pas un regret qui les flé-

  1. Le P. Dominique Parrenin (1655-1742) avait adressé de Pékin à Mairan diverses lettres dont quelques-unes ont été imprimées dans un petit volume (1759, in-12) et réimp. à l’Imprimerie royale, 1770, in-8°. On voit par la date de la mort du savant astronome que Marmontel ne pouvait parler que par ouï-dire de la joie de Mairan lorsqu’il recevait ces fameuses lettres.