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est fondé. Si quelques-uns des plus estimables n’ont pas dédaigné de confier au Mercure les amusemens de leur loisir, souvent même les fruits d’une étude sérieuse, dans le temps que le succès de ce journal n’étoit qu’à l’avantage d’un seul homme, quels secours ne dois-je pas attendre du concours des talens intéressés à le soutenir ? Le Mercure n’est plus un fonds particulier : c’est un domaine public, dont je ne suis que le cultivateur et l’économe. »

Ainsi s’annonça mon travail : aussi fut-il bien secondé. Le moment étoit favorable ; une volée de jeunes poètes commençoient à essayer leurs ailes. J’encourageai ce premier essor, en publiant les brillans essais de Malfilâtre ; je fis concevoir de lui des espérances qu’il auroit remplies, si une mort prématurée ne nous l’avoit pas enlevé. Les justes louanges que je donnai au poème de Jumonville ranimèrent, dans le sensible et vertueux Thomas, ce grand talent que des critiques inhumaines avoient glacé. Je présentai au public les heureuses prémices de la traduction des Géorgiques, de Virgile, et j’osai dire que, si ce divin poème pouvoit être traduit en vers françois élégans et harmonieux, il le seroit par l’abbé Delille. En insérant dans le Mercure une héroïde de Colardeau, je fis sentir combien le style de ce jeune poète approchoit, par sa mélodie, sa pureté, sa grâce et sa