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mable à qui je succède, sans oser prétendre à le remplacer, me laisse un exemple d’exactitude et de sagesse, de candeur et d’honnêteté, que je me fais une loi de suivre… Je me propose de parler aux gens de lettres le langage de la vérité, de la décence et de l’estime ; et mon attention à relever les beautés de leurs ouvrages justifiera la liberté avec laquelle j’en observerai les défauts. Je sais mieux que personne, et je ne rougis pas de l’avouer, combien un jeune auteur est à plaindre, lorsque, abandonné à l’insulte, il a assez de pudeur pour s’interdire une défense personnelle. Cet auteur, quel qu’il soit, trouvera en moi, non pas un vengeur passionné, mais, selon mes lumières, un appréciateur équitable. Une ironie, une parodie, une raillerie ne prouve rien et n’éclaire personne ; ces traits amusent quelquefois ; ils sont même plus intéressans pour le bas peuple des lecteurs qu’une critique honnête et sensée ; le ton modéré de la raison n’a rien de consolant pour l’envie, rien de flatteur pour la malignité ; mais mon dessein n’est pas de prostituer ma plume aux envieux et aux méchans… À l’égard de la partie collective de cet ouvrage, quoique je me propose d’y contribuer autant qu’il est en moi, ne fût-ce que pour remplir les vides, je ne compte pour rien ce que je puis ; tout mon espoir est dans la bienveillance et les secours des gens de lettres, et j’ose croire qu’il