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cette rencontre, et Deleyre fut agréé. « Je pars, lui dit le vaillant jeune homme : il peut y avoir incessamment à l’armée une affaire, je veux m’y trouver. Vous viendrez me joindre le plus tôt possible. » En effet, peu de jours après son arrivée se donna le combat de Crevelt, où, à la tête des carabiniers, il fut blessé mortellement. Deleyre n’arriva que pour l’ensevelir.

Je demandai à M. de Marigny s’il croyoit compatible ma place de secrétaire des bâtimens avec le privilège et le travail du Mercure. Il me répondit qu’il croyoit impossible de vaquer à l’un et à l’autre. « Donnez-moi donc mon congé, lui dis-je, car je n’ai pas la force de vous le demander. » Il me le donna, et Mme Geoffrin m’offrit un logement chez elle. Je l’acceptai avec reconnoissance, en la priant de vouloir bien me permettre de lui en payer le loyer ; condition à laquelle je la fis consentir.

Me voilà repoussé par ma destinée dans ce Paris, d’où j’avois eu tant de plaisir à m’éloigner ; me voilà plus dépendant que jamais de ce public d’avec lequel je me croyois dégagé pour la vie. Qu’étoient donc devenues mes résolutions ? Deux sœurs dans un couvent, en âge d’être mariées ; la facilité de mes vieilles tantes à faire crédit à tout venant, et à ruiner leur commerce en contractant des dettes que j’étois obligé de payer tous les ans ; mon avenir, auquel il falloit bien penser, n’ayant