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dant il a fallu vivre. Enfin, Madame, vous le dirai-je ? Boissy est si peu fortuné que, sans un ami qui a découvert sa situation, il périssoit de misère l’hiver dernier. Manquant de pain, trop fier pour en demander à personne, il s’étoit enfermé avec sa femme et son fils, résolus à mourir ensemble, et allant se tuer l’un dans les bras de l’autre, lorsque cet ami secourable força la porte et les sauva. — Ah ! Dieu, s’écria Mme de Pompadour, vous me faites frémir. Je vais le recommander au roi. »

Le lendemain matin, je vois entrer chez moi Boissy, pâle, égaré, hors de lui-même, avec une émotion qui ressembloit à de la joie sur le visage de la douleur. Son premier mouvement fut de tomber à mes pieds. Moi qui crus qu’il se trouvoit mal, je m’empressai de le secourir, et, en le relevant, je lui demandai ce qui pouvoit le mettre dans l’état où je le voyois. « Ah ! Monsieur, me dit-il, ne le savez-vous pas ? Vous mon généreux bienfaiteur, vous qui m’avez sauvé la vie, vous qui d’un abîme de malheurs me faites passer dans une situation d’aisance et de fortune inespérée ! J’étois venu solliciter une pension modique sur le Mercure, et M. de Saint-Florentin m’annonce que c’est le privilège, le brevet même du Mercure le roi vient de m’accorder[1]. Il m’apprend que

  1. Le brevet en faveur de Louis de Boissy, daté du