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certain Molière ! — Aussi, me dit-il en me regardant d’un œil fixe, et en me serrant le poignet, aussi comment est-il mort[1] ? »

Pour la septième année enfin, mon mal m’avoit repris, lorsqu’un jour, au fort de l’accès, je vis entrer chez moi Genson, le maréchal des écuries de la Dauphine. Genson, sur les objets relatifs à son art, donnoit à l’Encyclopédie des articles très distingués. Il avoit fait une étude particulière de l’anatomie comparée de l’homme et du cheval ; et non seulement pour les maladies, mais pour la nourriture et l’éducation des chevaux, personne n’étoit plus instruit ; mais, peu exercé dans l’art d’écrire, c’étoit à moi qu’il avoit recours pour retoucher un peu son style. Il vint donc avec ses papiers dans un moment où, depuis trois heures, j’éprouvois mon supplice. « Monsieur Genson, lui dis-je, il m’est impossible de travailler avec

  1. La répliqué est citée en termes presque identiques dans la Correspondance littéraire de Grimm (éd. Garnier frères, tome VI, p. 64) et dans un des passages les plus connus des Mémoires de Mme d’Épinay, le récit, authentique ou supposé, de son second souper chez Mlle Quinault (1ere partie, chap. VIII) ; là, les interlocuteurs sont Rousseau et un médecin désigné sous ce sobriquet d’Akakia que les plaisanteries de Voltaire sur Maupertuis avaient mis à la mode. Que faut-il en conclure ? Non pas que le mot de Malouin a été inventé, mais que Marmontel, comme Mme d’Épinay, a cédé au plaisir de conserver une repartie qu’ils n’avaient peut-être entendue ni l’un ni l’autre.