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infinies qu’elle y avoit mises, par l’expression qu’elle donnoit aux passions dont ce rôle est rempli, c’étoit peut-être celui de tous où elle étoit le plus étonnante.

Paris, comme Versailles, reconnut dans ces changemens le véritable accent tragique et le nouveau degré de vraisemblance que donnoit à l’action théâtrale le costume bien observé. Ainsi, dès lors, tous les acteurs furent forcés d’abandonner ces tonnelets, ces gants à franges, ces perruques volumineuses, ces chapeaux à plumets, et tout cet attirail fantasque qui, depuis si longtemps, choquoit la vue des gens de goût. Le Kain lui-même suivit l’exemple de Mlle Clairon, et dès ce moment-là leurs talens perfectionnés furent en émulation et dignes rivaux l’un de l’autre.

L’on conçoit aisément qu’un mélange d’occupations paisibles et d’amusemens variés m’auroit plus que dédommagé des plaisirs de Paris ; mais, pour surcroît d’agrément, j’avois encore la liberté d’y aller, quand je voulois, passer le temps que me laissoit le devoir de ma place. M. de Marigny lui-même, à la sollicitation de mes anciennes connoissances, m’invitoit à les aller voir.

Je ne laissai pas de remarquer dans sa conduite à mon égard une particularité dont peut-être la fierté d’un autre ne se fût point accommodée, mais dont un peu de philosophie me faisoit sentir la