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m’avoit donné dans Piccini, me firent donc imaginer de prendre les beaux opéras de Quinault, d’en élaguer les épisodes, les détails superflus ; de les réduire à leurs beautés réelles, d’y ajouter des airs, des duos, des monologues en récitatif obligé, des chœurs en dialogue et en contraste ; de les accommoder ainsi à la musique italienne, et d’en former un genre de poème lyrique plus varié, plus animé, plus simple, moins décousu dans son action, et infiniment plus rapide que l’opéra italien.

Dans Métastase même, que j’étudiois, que j’admirois comme un modèle de l’art de dessiner les paroles du chant, je voyois des longueurs et des vides insupportables. Ces doubles intrigues, ces amours épisodiques, ces scènes détachées et si multipliées, ces airs presque toujours perdus, comme on l’a dit, en cul-de-lampe au bout des scènes, tout cela me choquoit. Je voulois une action pleine, pressée, étroitement liée, dans laquelle les situations, s’enchaînant l’une à l’autre, fussent elles-mêmes l’objet et le motif du chant, de façon que le chant ne fût que l’expression plus vive des sentimens répandus dans la scène, et que les airs, les duos, les chœurs, y fussent enlacés dans le récitatif. Je voulois, de plus, qu’en se donnant ces avantages, l’opéra françois conservât sa pompe, ses prodiges, ses fêtes, ses illu-