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De toutes les femmes que j’ai connues, celle dont la politesse a le plus de naturel et de charmes, c’est la maréchale de Beauvau[1] : elle mit, ainsi que son époux, une attention délicate et marquée à donner l’exemple de celles qu’ils vouloient que l’on eût pour moi ; et cet exemple fut suivi. Sensible aux marques de leur bienveillance, je l’ai depuis cultivée avec soin. Le caractère du maréchal n’étoit pas aussi attrayant que celui de sa femme ; cependant jamais cette dignité froide qu’on lui reprochoit ne m’a gêné un moment avec lui. J’étois persuadé que, dans toute autre condition, son air, ses manières, son ton, auroient été les mêmes, et, en m’accommodant avec ce qui me sembloit être son naturel, je le trouvois honnête et bon, obligeant, serviable même sans se faire valoir.

Pour sa femme, aujourd’hui sa veuve, je ne crois pas qu’il y ait sous le ciel de caractère plus aimable ni plus accompli que le sien. C’est bien elle qu’on peut appeler justement et sans ironie la femme qui a toujours raison ; mais la justesse, la netteté, la clarté inaltérable de son esprit, est accompagnée de tant de douceur, de

  1. Marie-Charlotte de Rohan-Chabot, née le 12 décembre 1720, mariée en 1749 à J.-B. de Clermont d’Amboise, lieutenant général, et remariée en 1764 au prince de Beauvau ; morte le 26 mars 1807.