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encore au malheureux, obligé ce jour-là de donner à toute la chasse un dîner pour lequel rien n’étoit épargné.

J’avois gémi plus d’une fois de ses profusions, mais le plus libéral, le plus imprévoyant des hommes avoit, pour ses véritables amis, le défaut de ne jamais vouloir écouter leurs avis sur l’article de sa dépense. Cependant il avoit achevé d’épuiser son crédit en bâtissant sur les Champs-Élysées cinq ou six maisons à grands frais, lorsque le roi mourut sans avoir seulement pensé à le sauver de sa ruine ; et, cette mort le laissant noyé de dettes, sans ressource et sans espérance, il prit, je crois, la résolution de se délivrer de la vie on le trouva mort dans son lit. Il fut, pour son malheur, imprudent jusqu’à la folie ; il ne fut jamais malhonnête.

Mme de Séran fut plus sage. N’ayant plus, à la mort du roi, aucune perspective de faveur et de protection, ni pour elle ni pour ses enfans, elle fit un emploi solide de l’unique bienfait qu’elle avoit accepté ; le nouveau directeur des Bâtimens, le comte d’Angiviller, lui ayant proposé de céder, pour lui, son hôtel à un prix convenable, elle y consentit[1]. Ainsi nous fûmes délogés l’un et

  1. L’hôtel d’Angiviller et la rue à laquelle il avait donné son nom (entre l’Oratoire Saint-Honoré et la rue des Pou-