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logions ensemble. Ce fut alors que j’allai occuper, chez la comtesse de Séran, l’appartement qui m’étoit réservé, et ce fut là que M. Odde vint passer une année avec moi.

J’aurois voulu me retirer avec lui à Bort ; et, pour cela, j’avois en vue un petit bien à deux pas de la ville, où je me serois fait bâtir une cellule. Heureusement ce bien fut porté à un prix si haut qu’il passoit mes moyens, et il fallut y renoncer. Je me laissai donc aller encore à la société de Paris, et surtout à celle des femmes, mais résolu à me préserver de toute liaison qui pût altérer mon repos.

Je faisois ma cour à la comtesse de Séran aussi assidûment qu’il m’étoit possible sans lui être importun. Elle avoit la bonté de vouloir que j’allasse passer le printemps avec elle en Normandie, dans son petit château de La Tour[1], qu’elle embellissoit. Je l’y accompagnai. Que n’aurois-je pas quitté pour elle ? Tout ce que peut avoir de charme l’amitié d’une femme et sa société la plus intime, sans amour, je le trouvois auprès de celle-ci. Certainement, s’il eût été possible d’être amoureux sans espérance, je l’aurois été de Mme de Séran ; mais elle me marquoit la limite des senti-

  1. Marmontel a daté du château de La Tour des vers reproduits au tome XVII de ses Œuvres (1787).