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Ce ne fut que trois ans après que je donnai la Fausse Magie[1] ; et, quoique le succès n’en fût pas d’abord aussi brillant que celui des deux autres, il n’a pas été moins durable. Depuis plus de vingt ans qu’on la revoit fréquemment remise au théâtre, le public ne s’en lasse point. Il est vrai cependant que ces petits ouvrages ont perdu de leur lustre et la fleur de leur agrément en perdant les acteurs pour lesquels je les avois faits.

La même année (1772), j’eus à la cour une apparence de succès d’un autre genre, et bien plus sensible pour moi : ce fut l’effet que mon épître au roi sur l’incendie de l’Hôtel-Dieu[2] obtint ou parut obtenir. Ma vanité n’y étoit pour rien, mais l’impression vive et profonde que j’avois faite, me disoit-on, alloit changer le sort de ces pauvres malades dont j’avois fait entendre les gémissemens et les plaintes ; et, pour la première fois de ma vie, je croyois voir en moi un bienfaiteur de l’humanité. J’en étois glorieux, j’aurois donné mon sang pour que l’événement eût cou-

  1. La Fausse Magie, comédie en deux actes et en vers libres, mêlée d’ariettes (Théâtre-Italien, 31 janvier 1775). Les auteurs modifièrent le dénouement l’année suivante.
  2. La Voix des pauvres, épître sur l’incendie de l’Hôtel-Dieu, réimprimée, ainsi que l’Ode à la louange de Voltaire, au tome XVII des Œuvres de Marmontel (1787), revues par lui.