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Dans cette même année, je fis à Croix-Fontaine un voyage bien agréable, mais qui finit par être bien malheureux pour moi. Il régnoit de ce côté-là, tout le long de la Seine, une fièvre putride d’une dangereuse malignité. À Saint-Port et à Sainte-Assise, plusieurs personnes en étoient mortes, et à Croix-Fontaine un grand nombre de domestiques en étoient attaqués. Ceux qui n’en étoient point atteints servoient leurs camarades ; le mien ne s’y épargnoit pas, et moi-même j’allois assez souvent visiter les malades, acte d’humanité au moins très inutile. Cependant je croyois encore être en pleine santé, lorsqu’on m’écrivit de Paris de me rendre à l’Académie pour la réception de l’archevêque de Toulouse[1], assemblée que le roi de Suède devoit honorer de sa présence.

Le lendemain de mon arrivée à Paris, je me sentis comme assommé. J’assistai cependant à l’assemblée de l’Académie ; j’y lus même quelques morceaux de mon ouvrage des Incas, mais d’une voix éteinte, sans expression, sans vigueur. J’eus

  1. Loménie de Brienne, reçu le 6 septembre 1770, en présence de Gustave et de son frère, le prince Charles. La réponse de Thomas, en qualité de directeur, ne put être imprimée à raison des allusions à un réquisitoire de Séguier contre les écrits philosophiques que le public crut y saisir. Voir sur cette affaire la Correspondance de Grimm, octobre 1770.