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fille du duc d’Aumont, et qui, dans le temps que son père me poursuivoit, m’avoit vivement témoigné le regret de le voir injuste, et de ne pouvoir l’adoucir.

Un soir qu’elle venoit de quitter ma voisine, je fus surpris d’entendre celle-ci me dire : « Eh bien, Marmontel, vous n’avez jamais voulu me nommer l’auteur de la parodie de Cinna ; je le connois enfin » ; et elle me nomma Cury (alors Cury, sa mère et son fils, étoient morts). « Et qui vous l’a dit ? lui demandai-je avec surprise. — Une personne qui le sait bien, la duchesse de Villeroi. Elle sort d’ici, et vous avez été l’objet de sa visite. Son père demande à vous voir. — Moi ! son père ! le duc d’Aumont ! — Il veut vous consulter sur les spectacles qu’il est chargé de donner à la cour pour le mariage du Dauphin. « Mais mon père, m’a-t-elle dit, voudroit que Marmontel ne lui parlât point du passé. — Assurément, lui ai-je répondu, Marmontel ne lui en parlera point ; mais lui, Madame, n’a-t-il rien à lui dire sur le regret d’avoir été si cruellement injuste envers lui, car je puis vous répondre qu’il l’a été vraiment ? — Je le sais bien, m’a-t-elle dit, et mon père le sait bien lui-même. La parodie de Cinna étoit de Cury ; La Ferté nous l’a dit ; il la lui avoit entendu lire ; mais, tant que ce malheureux a vécu, il n’a pas voulu le trahir. »