Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques essais. Il arrivoit avec un opéra fait sur l’un de vos contes (les Mariages samnites) ; les directeurs de l’Opéra l’ont entendu, et ils l’ont refusé. Ce malheureux jeune homme est sans ressource ; je lui ai avancé quelques louis ; je ne puis faire plus ; et, pour dernière grâce, il m’a prié de le recommander à vous. »

Jusque-là je n’avois rien fait qui approchât de l’idée que je croyois avoir conçue d’un poème françois analogue à la musique italienne ; je ne croyois pas même en avoir le talent ; mais, pour plaire au comte de Creutz, j’aurois entrepris l’impossible.

J’avois sur ma table, dans ce moment, un conte de Voltaire (l’Ingénu) ; je pensai qu’il pouvoit me fournir le canevas d’un petit opéra-comique. « Je vais, dis-je au comte de Creutz, voir si je puis le mettre en scène, et en tirer des sentimens et des peintures qui soient favorables au chant. Revenez dans huit jours, et amenez-moi ce jeune homme. »

La moitié de mon poème étoit faite lorsqu’ils arrivèrent. Grétry en fut transporté de joie, et il alla commencer son ouvrage, tandis que j’achevois le mien. Le Huron[1] eut un plein succès ; et Grétry,

  1. Le Huron, comédie en deux actes et en vers, mêlée d’ariettes (Théâtre-Italien, 20 août 1768). Marmontel n’avait