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buer les torts qu’elle avoit eus à la comtesse de Séran ; mais la jeune femme, qui avoit du caractère, se refusa à cette excuse. « Je n’ai eu, lui dit-elle, aucun tort avec vous, et vous étiez injuste de m’en attribuer ; mais vous l’êtes bien plus encore d’en supposer à mon amie. » Et, à quelques mots trop amers et trop légers qui lui échappèrent sur cette amie absente : « Respectez-la, Monsieur, lui dit sa femme ; vous le devez pour elle, vous le devez pour moi, et je veux bien vous dire que vous ne l’offenserez jamais sans me blesser au cœur. »

Il est vrai que, dans l’intimité de ces deux femmes, tout le soin de Mme de Séran s’employoit à inspirer à son amie de la douceur, de la complaisance, et, s’il étoit possible, de l’amour pour un homme qui avoit, lui disoit-elle, des qualités aimables, et dont il ne falloit que tempérer la violence et adoucir l’humeur pour en faire un très bon mari.

Un peu de force et de fierté ne laissoit pas d’être nécessaire avec un homme qui, ayant lui-même de la franchise et du courage, estimoit dans un caractère ce qui étoit analogue au sien. Nous prîmes donc avec lui le ton d’une raison douce, mais ferme, et je remplis si bien entre eux l’office de conciliateur qu’en les quittant je les laissai d’un bon accord ensemble. Mais j’en avois assez