Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la nièce et moi s’étoit changée en inclination. Nous n’étions riches ni l’un ni l’autre ; mais, avec le crédit de notre ami Bouret, rien n’étoit plus facile que de me procurer, ou à Paris ou en province, une assez bonne place pour nous mettre à notre aise. Nous n’avions fait confidence à personne de nos désirs et de nos espérances ; mais, à la liberté qu’on nous laissoit ensemble, à la confiance tranquille avec laquelle Mme Gaulard elle-même regardoit notre intimité, nous ne doutions pas qu’elle ne nous fût favorable. Bouret, surtout, sembloit si bien se complaire à nous voir de bonne intelligence que je me croyois sûr de lui, et, dès que je lui aurois ramené son intime amie en bonne santé, comme je l’espérois, je comptois l’engager à s’occuper de ma fortune et de mon mariage.

Mais Mme Gaulard avoit un cousin qu’elle aimoit tendrement, et dont la fortune étoit faite. Ce cousin, qui étoit aussi celui de la jeune nièce, en devint amoureux, la demanda en mon absence, et l’obtint sans difficulté. Elle, trop jeune, trop timide pour déclarer une autre inclination, s’engagea si avant que je n’arrivai plus que pour assister à la noce. On attendoit la dispense de Rome pour aller à l’autel ; et moi, en qualité d’ami intime de la maison, j’allois être témoin et confident de tout. Ma situation étoit pénible, celle de la jeune personne ne l’étoit guère moins ; et, quelque bonne