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chez lui comme dans une boîte. Son cabinet n’étoit ouvert qu’à des personnes considérables ou à de fameux connoisseurs. Je n’étois rien de tout cela ; mais, après avoir pris une idée de son caractère, j’espérai l’amener à me bien recevoir. Je me fis présenter à lui. « Ne vous étonnez pas, lui dis-je, Monsieur le chevalier, qu’un homme de lettres qui fréquente à Paris les artistes les plus célèbres et les amateurs des beaux-arts veuille pouvoir leur dire des nouvelles d’un homme pour lequel ils ont tous l’estime la plus distinguée. Ils sauront que j’ai passé à Bruxelles, et ils ne me pardonneroient pas d’y avoir passé sans vous avoir vu, et sans m’être informé de l’état de votre santé. — Ah ! Monsieur, me dit-il, ma santé est bien misérable » ; et il entra dans des détails de ses maux de nerfs ; de ses vapeurs, de la foiblese extrême de ses organes. Je l’écoutai ; et, après lui avoir bien recommandé de se ménager, je voulus prendre congé de lui. « Eh quoi ! Monsieur, me dit-il, vous en irez-vous sans jeter un coup d’œil sur mes tableaux ? — Je ne m’y connois pas, lui dis-je, et je ne vaux pas la peine que vous prendriez de me les montrer. » Cependant je me laissai conduire, et le premier tableau qu’il me fit remarquer fut un très beau paysage de Berghem. « Ah ! j’ai pris d’abord, m’écriai-je, ce tableau pour une fenêtre par laquelle je voyois la campagne et ces beaux trou-