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été trop heureux d’avoir pour la statue d’Atalante, ou de Diane, ou même de Vénus. Comme j’avois le goût des arts, je fus curieux de connoître ce modèle qu’on louoit tant. J’allai voir la jeune baigneuse ; je la trouvai belle, en effet, et presque aussi sage que belle. Nous fîmes connoissance. Une de ses amies, qui fut bientôt la mienne, voulut bien nous permettre d’aller quelquefois avec elle goûter dans son petit jardin. Cette société populaire, en me rapprochant de la simple nature, me rendoit assez de philosophie pour conserver mon âme en paix auprès de mes deux jeunes dames ; situation qui, sans cela, n’eût pas laissé d’être pénible. Au reste, ces goûters n’étoient pas ruineux pour moi : de bons petits gâteaux avec une bouteille de vin de Moselle en faisoient les frais ; et Mme Filleul, que j’avois mise dans ma confidence, me glissoit en secret de petits flacons de vin de Malaga que sa baigneuse et moi buvions à sa santé.

Hélas ! cette santé qui, malgré toutes ses intempérances, ne laissoit pas de se rétablir par la vertu merveilleuse des bains, éprouva bientôt une révolution funeste.

M. de Marigny revint de son voyage de Hollande : il croyoit ramener avec lui sa femme à Paris ; mais, Mme Filleul lui ayant témoigné qu’il lui feroit plaisir de lui laisser sa fille jusqu’à la fin