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lébrité que les Contes moraux avoient dans le nord de l’Europe m’eussent déjà rendu assez remarquable parmi cette foule au milieu de laquelle je vivois, une aventure assez honorable pour moi m’attira de nouvelles attentions. Un matin, en passant devant la grande auberge où se tenoit le Ridotto, je m’entendis appeler par mon nom. Je lève la tête, et je vois à la fenêtre d’où venoit la voix un homme qui s’écrie : C’est lui-même, et qui disparoît. Je ne l’avois pas reconnu ; mais dans l’instant je le vois sortir de l’auberge, courir à moi et m’embrasser en disant : « L’heureuse rencontre ! » C’étoit le prince de Brunswick. « Venez, ajouta-t-il, que je vous présente à ma femme ; elle va être bien contente. » Et, en entrant chez elle : « Madame, lui dit-il, vous désiriez tant de connoître l’auteur de Bélisaire et des Contes moraux ! le voici, je vous le présente. » Son Altesse Royale, sœur du roi d’Angleterre, me reçut avec la même joie et la même cordialité dont le prince me présentoit. Dans ce moment, les magistrats de la ville les attendoient à la fontaine, pour la faire ouvrir devant eux et leur montrer la concrétion de soufre pur qui se formoit en stalactite sous la pierre du réservoir ; espèce d’honneur qu’on ne rendoit qu’à des personnes principales. « Allez-y sans moi, dit le prince à sa femme ; je passerai plus agréablement ces momens avec Marmontel. »