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et je me fie à votre honnêteté du soin de mon bonheur. Je désire faire le vôtre. »

Ainsi se maria Mlle de Bullioud avant ses quinze ans accomplis ; et M. de Séran fut pour elle tout ce qu’il avoit promis d’être. Je ne dis pas que cette union eût les charmes de l’amour, mais elle avoit les douceurs de la paix, de l’amitié, de la plus tendre estime. Le mari, sans inquiétude, voyoit sa femme environnée d’adorateurs ; et la femme, par sa conduite raisonnable et décente, honoroit aux yeux du public la confiance de son mari.

Cependant, comme il étoit impossible de la voir, de l’entendre, surtout de la connoître, sans désirer pour elle un meilleur sort, ses amis s’occupèrent du soin de sa fortune ; et, au mariage du duc de Chartres, ils songèrent à la placer honorablement auprès de la jeune princesse. Mais pour cela il ne suffisoit pas d’une noblesse ancienne et pure, il falloit encore être du nombre des femmes présentées au roi : telle étoit l’étiquette de la cour d’Orléans. Cet honneur étoit réservé à quatre cents ans de noblesse, et, à ce titre, elle avoit le droit d’y prétendre. Il lui fut accordé. Mais le roi, après avoir écouté plus attentivement l’éloge de sa beauté que les témoignages sur sa noblesse, mit pour condition à son consentement qu’après sa présentation elle iroit l’en remercier ; article secret