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tome en chaire ; et, en exposant les sujets qui invoqueroient son éloquence, je fus peut-être moi-même éloquent dans ce moment-là.

Quoi qu’il en soit, mes deux prélats, après m’avoir tâté le pouls deux ou trois fois, trouvèrent mon mal incurable ; et, lorsqu’un jour, en leur montrant sur ma table le manuscrit des Incas, je leur dis « Voilà un ouvrage qui réduira vos docteurs à l’alternative de brûler l’Évangile ou de respecter dans Las Casas, cet apôtre des Indes, les mêmes sentimens et la même doctrine qu’ils condamnent dans Bélisaire », ils virent qu’il n’y avoit plus rien à espérer de moi ; ainsi leur zèle découragé, ou plutôt leur curiosité satisfaite, me laissa disposer d’un temps que nous perdions ensemble, eux à vouloir faire de moi un philosophe théologien, et moi à vouloir faire d’eux des théologiens philosophes.

Le travail que demandoit encore mon livre des Incas fut interrompu quelque temps pour faire place à celui d’un mémoire où j’ai plaidé la cause des paysans du Nord, et qui est imprimé dans la collection de mes œuvres[1].

Je venois de lire dans les gazettes qu’à la So-

  1. Le Discours en faveur des paysans du Nord est imprimé au tome XVII des Œuvres de l’auteur publiées par lui-même (1787).