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refusé ce moyen de conciliation ; elle a voulu que le quinzième chapitre fût retranché d’un livre dont quarante mille exemplaires sont déjà répandus : demande puérile, car l’édition tronquée et mise au rebut n’auroit fait que me ruiner. Enfin, elle s’est obstinée à vouloir que je reconnusse le dogme de l’intolérance civile, le droit du glaive, le droit des proscriptions, des exils, des cachots, des poignards, des tortures et des bûchers, pour forcer à croire à la religion de l’agneau ; et, dans l’agneau de l’Évangile, je n’ai pas voulu reconnoître le tigre de l’inquisition. Je m’en suis tenu à la doctrine de Lactance, de Tertullien, de saint Paul, et à l’esprit de l’Évangile. Voilà pourquoi la Sorbonne est actuellement occupée à fabriquer une censure où elle foudroiera Bélisaire, Lactance, Tertullien, saint Paul, et quiconque pense comme eux. Prenez garde à vous, Messeigneurs, car vous pourriez bien être du nombre.

— Mais de quoi se mêlent les philosophes, me dit l’évêque d’Autun, de parler de théologie ? — De quoi se mêlent les théologiens, lui répliquai-je, de tyranniser les esprits, et d’exciter les princes à employer la force pour violenter la croyance ? Les princes sont-ils juges sur l’article de la doctrine et sur les objets de la foi ? — Non, certes, me dit-il, les princes n’en sont pas les juges. — Et vous en faites les bourreaux ! — Je ne sais pas, reprit-il,