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malade ; l’autre l’accompagnoit ; c’étoit Marbeuf, évêque d’Autun, qui depuis a été ministre de la feuille#1. L’auteur du livre que la Sorbonne censuroit dans ce moment-là fut pour eux un objet de curiosité. Ils vinrent me voir, et m’invitèrent à faire ensemble des promenades. Je compris bien que ces prélats vouloient peloter avec moi ; et, comme le jeu me plaisoit assez, je fis volontiers leur partie.

Ils commencèrent, comme vous pensez bien, par me parler de Bélisaire. Ils s’attendoient à me trouver fort effrayé du décret que la Sorbonne alloit fulminer contre moi, et ils furent assez surpris de me voir si tranquille sous l’anathème. « Bélisaire, leur dis-je, est un vieux militaire, honnête homme et chrétien dans l’âme, aimant sa religion de bon cœur et de bonne foi ; il en croit tout ce qui lui en est enseigné dans l’Évangile, et ne rejette que ce qui n’en est pas. C’est aux noirs fantômes de la superstition, c’est aux monstrueuses horreurs du fanatisme que Bélisaire refuse sa croyance. J’ai proposé à la Sorbonne de rendre cette distinction évidente dans des notes explicatives que j’ajouterois à mon livre. Elle a [1]

  1. Yves-Alexandre de Marbeuf, ministre de la feuille des bénéfices (1771), prédécesseur de Talleyrand au siège épiscopal d’Autun (1767-1789).