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— Vous traitez, leur dis-je, avec bien du mépris l’autorité des Pères de l’Église et celle de saint Paul, dont mes motifs sont appuyés. » Ils me répondirent que « les écrits des Pères de l’Église étoient un arsenal où tous les partis trouvoient des armes, et que le passage de saint Paul que j’alléguois ne prouvoit rien.

— Eh bien ! leur demandai-je, puisque votre autorité seule doit faire loi, que me demandez-vous ? — Le droit du glaive, me dirent-ils, pour exterminer l’hérésie, l’irréligion, l’impiété, et tout soumettre au joug de la foi. »

C’étoit là que je les attendois, pour me retirer en bon ordre et me tenir retranché dans un poste où l’on ne pourroit m’attaquer. Præmunitum, atque ex omni parte causæ septum (de Or., I, 3). Je leur répondis donc que le glaive étoit l’une de ces armes charnelles que saint Paul avoit réprouvées lorsqu’il avoit dit : Arma militiæ nostræ non carnalia sunt ; et, à ces mots, j’allois sortir. Le prélat me retint, et, me serrant les mains entre les siennes, me conjura, avec un pathétique vraiment risible, de souscrire à ce dogme atroce. « Non, Monseigneur, lui dis-je ; si je l’avois signé, je croirois avoir trempé ma plume dans le sang ; je croirois avoir approuvé toutes les cruautés commises au nom de la religion. — Vous attachez donc, me dit Le Fèvre avec son insolence doctorale, une grande importance et