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vail, dont j’avois la tête remplie, rendoit, dans les redoublemens de ma fièvre, le délire plus fatigant. Mes amis n’étoient pas tranquilles sur mon état, Mme Geoffrin en étoit inquiète. Le petit médecin de ses laquais, Gevigland[1], m’en tira très bien.

Mon autre maladie fut un rhume d’une qualité singulière : c’étoit une humeur visqueuse qui obstruoit l’organe de la respiration, et qu’avec tout l’effort d’une toux violente je ne pouvois expectorer. Vous concevez qu’après avoir vu périr toute ma famille du mal de poitrine, j’avois quelque raison de croire que c’étoit mon tour. Je le crus en effet ; et, privé du sommeil, maigrissant à vue d’œil, enfin me sentant dépérir, et ne doutant pas que le dernier période de la maladie ne s’annonçât bientôt par le symptôme accoutumé, je pris ma résolution, et ne songeai plus qu’à trouver quelque sujet d’ouvrage qui préoccupât ma pensée, et qui, après avoir rempli mes derniers momens, pût laisser de moi traces d’homme.

  1. Le Calendarium medicum de 1764 et de 1767 donne à Noël-Marie de Gevigland les titres d’ancien médecin des hôpitaux militaires durant la guerre de Sept ans, et de utriusque pharmaciæ professor, qui auraient dû lui épargner la qualification dédaigneuse dont Marmontel a payé ses services. Gevigland demeurait rue Saint-Honoré, vis-à-vis les Jacobins. La Bibliothèque nationale possède de lui cinq thèses latines et françaises restées inconnues à Quérard.