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une école, il vouloit bien se donner la peine de m’expliquer sa nouvelle doctrine, pour se faire de moi un disciple et un prosélyte. Moi qui songeois à me faire de lui un médiateur auprès de Mme de Pompadour, j’appliquois tout mon entendement à concevoir ces vérités qu’il me donnoit pour évidentes, et je n’y voyois que du vague et de l’obscurité. Lui faire croire que j’entendois ce qu’en effet je n’entendois pas étoit au-dessus de mes forces ; mais je l’écoutois avec une patiente docilité, et je lui laissois l’espérance de m’éclaircir enfin et de m’inculquer sa doctrine. C’en eût été assez pour me gagner sa bienveillance. Je faisois plus, j’applaudissois à un travail que je trouvois en effet estimable, car il tendoit à rendre l’agriculture recommandable dans un pays où elle étoit trop dédaignée, et à tourner vers cette étude une foule de bons esprits. J’eus même une occasion de le flatter par cet endroit sensible, et ce fut lui qui me l’offrit.

Un Irlandois, appelé Pattulo, ayant fait un livre[1] où il développoit les avantages de l’agriculture angloise sur la nôtre, avoit obtenu, par Quesnay, de Mme de Pompadour, que ce livre lui fût dédié ;

  1. Essai sur l’amélioration des terres : Paris, Durand, 1758, in-12, 3 pl. L’Épître dédicatoire, signée Pattulo, est ornée d’un fleuron aux armes de Mme de Pompadour, gravé par Patte.