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d’un esprit ombrageux, timide, effarouché par le malheur, fut bien réellement la maladie de Rousseau et le tourment de sa pensée.

On en voyoit tous les jours des exemples dans la manière injurieuse dont il rompoit avec les gens qui lui étoient les plus dévoués, les accusant tantôt de lui tendre des pièges, tantôt de ne venir chez lui que pour l’épier, le trahir et le vendre à ses ennemis. J’en sais des détails incroyables ; mais le plus étonnant de tous fut la monstrueuse ingratitude dont il paya l’amitié tendre, officieuse, active, de ce vertueux David Hume, et la malignité profonde avec laquelle, en le calomniant, il joignit l’insulte à l’outrage. Vous trouverez dans le recueil même des Œuvres de Rousseau ce monument de sa honte. Vous y verrez avec quel artifice il a ourdi sa calomnie ; vous y verrez de quelles fausses lueurs il a cru tirer, contre son ami le plus vrai, contre le plus honnête et le meilleur des hommes, une conviction de mauvaise foi, de duplicité, de noirceur ; vous ne lirez pas sans indignation, dans le récit qu’il fait de sa conduite envers son bienfaiteur, cette tournure de raillerie qui est le sublime de l’insolence :


Premier soufflet sur la joue de mon patron.
Second soufflet sur la joue de mon patron.
Troisième soufflet sur la joue de mon patron.

Je crois l’opinion universelle bien décidée sur le