Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vois connu Mlle Verrière que pendant le voyage du maréchal en Prusse, et plus d’un an après la naissance de cette enfant, je dis que ce seroit inhumainement lui ôter son véritable père que de me faire passer pour l’être. Mme de Chalut se chargea de plaider cette cause devant Mme la Dauphine, et M. le Dauphin céda. Ainsi, Aurore fut élevée à leurs frais au couvent des religieuses de Saint-Cloud ; et Mme de Chalut, qui avoit à Saint-Cloud sa maison de campagne, voulut bien se charger, pour l’amour de moi et à ma prière, des soins et des détails de cette éducation.

Il me reste à parler de deux liaisons particulières que j’avois encore à Versailles : l’une, de simple convenance ; avec Quesnay, médecin de Mme de Pompadour ; l’autre avec Mme de Marchais et son ami intime le comte d’Angiviller, jeune homme d’un grand caractère. Pour celle-ci, elle fut bientôt une liaison de sentiment ; et, depuis quarante ans qu’elle dure, je puis la citer pour exemple d’une amitié que ni les années ni les événemens n’ont fait varier ni fléchir. Çommençons par Quesnay, car c’est le moins intéressant. Quesnay, logé bien à l’étroit dans l’entresol de Mme de Pompadour, ne s’occupoit, du matin au soir, que d’économie politique et rurale. Il croyoit en avoir réduit le système en calculs et en axiomes d’une évidence irrésistible ; et, comme il formoit