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il, une lettre qui mériteroit le plus sévère châtiment.

« — Ah ! Monsieur, lui dis-je, est-ce à vous de concevoir tant de colère d’un moment de folie dont il vous fait l’aveu, dont il vous demande pardon ? Si cette lettre vous offense, c’est moi qu’il en faut accuser, car c’est moi qui lui ai conseillé de vous l’écrire. — Et savez-vous, me dit-il, ce qu’elle contient, cette lettre ? — Je sais qu’elle contient un aveu, des excuses, et un pardon qu’il vous demande. — Rien moins que tout cela. C’est un tissu de fourberie et d’insolence, c’est un chef-d’œuvre d’artifice pour rejeter sur Mme d’Houdetot le tort dont il veut se laver. — Vous m’étonnez, lui dis-je, et ce n’étoit point là ce qu’il m’avoit promis. » Alors, pour l’apaiser, je lui racontai simplement la douleur et le repentir où j’avois vu Rousseau d’avoir pu l’offenser, et la résolution où il avoit été de lui en demander grâce ; par là, je l’amenai sans peine au point de le voir en pitié.

« C’est à cet éclaircissement que Rousseau a donné le nom de perfidie. Dès qu’il apprit que j’avois fait pour lui un aveu qu’il n’avoit pas fait, il jeta feu et flamme, m’accusant de l’avoir trahi. Je l’appris, j’allai le trouver. « Que venez-vous faire ici ? me demanda-t-il. — Je viens savoir, lui dis-je, si vous êtes fou ou méchant. — Ni l’un