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les chimistes, les astronomes, ne lui accordoient qu’un rang très inférieur parmi eux ; que les naturalistes eux-mêmes étoient peu disposés à le mettre à leur tête, et que, parmi les gens de lettres, il n’obtenoit que le mince éloge d’écrivain élégant et de grand coloriste. Quelques-uns même lui reprochoient d’avoir fastueusement écrit dans un genre qui ne vouloit qu’un style simple et naturel. Je me souviens qu’une de ses amies m’ayant demandé comment je parlerois de lui, s’il m’arrivoit d’avoir à faire son éloge funèbre à l’Académie françoise, je répondis que je lui donnerois une place distinguée parmi les poètes du genre descriptif ; façon de le louer dont elle ne fut pas contente.

Buffon, mal à son aise avec ses pairs, s’enferma donc chez lui avec des commensaux ignorans et serviles, n’allant plus ni à l’une ni à l’autre Académie, et travaillant à part sa fortune chez les ministres, et sa réputation dans les cours étrangères, d’où, en échange de ses ouvrages, il recevoit de beaux présens ; mais du moins son paisible orgueil ne faisoit du mal à personne. Il n’en fut pas de même de celui de Rousseau.

Après le succès qu’avoient eu dans de jeunes têtes ses deux ouvrages couronnés à Dijon, Rousseau, prévoyant qu’avec des paradoxes colorés de son style, animés de son éloquence, il lui seroit