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vacante, quoique, année commune, le nombre des morts, à l’Académie, fût de trois en deux ans.

Je dois dire, à la honte du comte de Praslin et à la gloire de Thomas, que celui-ci, après s’être refusé à un acte de servitude et de bassesse, crut devoir ne se retirer de chez un homme qui lui avoit fait du bien que lorsqu’il seroit renvoyé. Il resta près de lui un mois encore, se trouvant, comme de coutume, tous les matins à son lever, sans que cet homme dur et vain lui dît une parole, ni qu’il daignât le regarder. Dans une âme naturellement noble et fière comme étoit celle de Thomas, jugez combien cette humble épreuve devoit être pénible ! Enfin, après avoir donné à la reconnoissance au delà de ce qu’il devoit, voyant combien le vil orgueil de ce ministre étoit irréconciliable avec l’honnêteté modeste et patiente, il lui fit dire qu’il se voyoit forcé de prendre son silence pour un congé, et il se retira. Cette conduite acheva de faire connoître son caractère ; et, du côté même de la fortune, il ne perdit rien à s’être conduit en honnête homme. Le roi lui en sut gré, et non seulement il obtint dans la suite une pension de deux mille livres sur le trésor royal, mais un beau logement au Louvre, que lui fit donner le comte d’Angiviller, son ami et le mien.

Vous venez de voir, mes enfans, à travers com-