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étoient brouillés tellement qu’ils ne se parloient point ; et, au moment où j’allois avoir besoin de leur accord et de leur bonne intelligence, je les trouvois ennemis l’un de l’autre. Duclos, le plus brusque des deux, mais le moins vif, étoit aussi le moins piqué. L’inimitié d’un homme tel que d’Alembert lui étoit pénible ; il ne demandoit qu’à se réconcilier avec lui ; mais il vouloit obtenir par moi que d’Alembert fît les avances.

« Je suis indigné, me dit-il, de l’oppression sous laquelle vous avez gémi, et de la persécution sourde et lâche que vous éprouvez encore. Il est temps que cela finisse. Bougainville est mourant ; il faut que vous ayez sa place. Dites à d’Alembert que je ne demande pas mieux que de vous l’assurer ; qu’il m’en parle à l’Académie, nous arrangerons votre affaire pour la prochaine élection. »

D’Alembert bondit de colère quand je lui proposai de parler à Duclos, « Qu’il aille au diable, me dit-il, avec son abbé de Bernis : je ne veux pas plus avoir affaire à l’un qu’à l’autre. — En ce cas-là, je renonce à l’Académie ; mon seul regret, lui dis-je, est d’y avoir pensé. — Pourquoi donc ? reprit-il avec chaleur ; est-ce que pour en être vous avez besoin de Duclos ? — Et de qui n’aurois-je pas besoin, lorsque mes amis m’abandonnent, et que mes ennemis sont plus ardens à me nuire et plus agissans que jamais ? Ah ! ceux-là