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sens, et d’une douceur, d’une égalité, d’une vérité de caractère inestimable. Après avoir été femme de chambre favorite de la première Dauphine[1], elle avoit passé à la seconde[2], et elle en étoit plus chérie encore. Cette princesse n’avoit point d’amie plus fidèle, plus tendre, plus sincère, ou, pour mieux dire, c’étoit la seule amie véritable qu’elle eût en France. Aussi son cœur lui étoit-il ouvert jusqu’au fond de ses plus secrètes pensées ; et, dans les circonstances les plus délicates et les plus difficiles, elle n’eut qu’elle pour conseil, pour consolation, pour appui. Ces sentimens d’estime, de confiance et d’amitié, s’étoient communiqués de l’âme de la Dauphine à celle du Dauphin. L’un et l’autre, pour marier Mlle de Varanchan (c’étoit son nom de fille), et pour la doter richement, étoient déterminés à vendre leurs bijoux les plus précieux, si le contrôleur général ne les en eût pas empêchés en obtenant du roi un bon de fermier général pour celui qu’elle épouseroit. C’est dire assez quel étoit son crédit auprès de ses maîtres, et je puis ajouter qu’il n’y avoit rien qu’elle n’eût fait pour moi ; j’ai été

  1. Marie-Thérèse-Antoinette-Raphaëlle, infante d’Espagne, fille de Philippe V, née le 11 juin 1726, morte le 22 juillet 1746.
  2. Marie-Josèphe de Saxe, fille d’Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, née le 4 novembre 1741, morte le 13 mars 1767.