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la mettre au jour, et c’étoit l’instrument du dessein que j’avois formé. Heureusement l’abbé de Radonvilliers, ci-devant sous-précepteur des enfans de France, se présenta en même temps que moi pour la place vacante, et c’étoit faire une chose agréable à M. le Dauphin, peut-être au roi lui-même, que de lui céder cette place. J’allai donc à Versailles déclarer à mon concurrent que je me retirois. J’y avois peu de mérite, il l’auroit emporté sur moi, et telle étoit sa modestie qu’il fut sensible à cette déférence, comme s’il n’avoit dû qu’à moi tous les suffrages qu’il réunit en sa faveur.

Une circonstance bien remarquable de cette élection fut l’artifice qu’employèrent mes ennemis et ceux de d’Alembert et de Duclos pour nous rendre odieux à la cour du Dauphin. Ils avoient commencé par répandre le bruit que mon parti seroit contraire à l’abbé de Radonvilliers, et que si, dans le premier scrutin, il obtenoit la pluralité, au moins dans le second n’échapperoit-il pas à l’injure des boules noires. Cette prédiction faite, il ne s’agissoit plus que de la vérifier, et voici comment ils s’y prirent. Il y avoit à l’Académie quatre hommes désignés sous le nom de philosophes, étiquette odieuse dans ce temps-là. Ces académiciens notés étoient Duclos, d’Alembert, Saurin et Watelet. Les dignes chefs du parti contraire, d’Olivet, Batteux, et vraisemblablement