Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ce vers étoit ainsi parodié :


Vous qui me tenez lieu du Merle et de ma femme.


Or, ce nom de le Merle étoit un sobriquet donné au comte de Praslin. C’est pourquoi, lorsqu’il avoit pris pour maîtresse la Dangeville, Grandval, qui l’avoit eue, et qu’elle vouloit conserver pour suppléant, lui répondit :


Le merle a trop souillé la cage,
Le moineau n’y veut plus rentrer.


On m’avoit donc fait un crime auprès du duc de Choiseul de ce vers de la parodie :


Vous qui me tenez lieu du Merle et de ma femme.


Et, dans l’une de nos conférences, il me le cita comme insulte faite à son cousin. J’eus la foiblesse de répondre que ce vers n’étoit pas de ceux que j’avois sus. « Et comment donc étoit le vers que vous saviez ? demanda-t-il en me pressant. » Je répondis pour sortir d’embarras :


« Vous qui me tenez lieu de ma défunte femme.


— Fi donc, s’écria-t-il, ce vers est plat ; l’autre est bien meilleur ! il n’y a pas de comparaison. » Praslin n’étoit pas homme à prendre aussi gaiement la plaisanterie. Il avoit l’âme basse et triste ; et, dans les hommes de ce caractère, l’orgueil blessé est inexorable.