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plus absolu ; l’autre, qu’après avoir appris ce que je vais vous confier, vous n’en ferez aucun usage, c’est-à-dire que vous vous conduirez comme si je ne vous avois rien dit. J’en exige votre parole. » Il me la donna. « À présent, poursuivis-je, apprenez que j’ai mis moi-même un ouvrage au concours. — En ce cas, me dit-il, je retire le mien. — C’est là ce que je ne veux point, répliquai-je, et pour deux raisons : l’une, parce qu’il est très possible que l’on rejette mon ouvrage comme hérétique, et qu’on lui refuse le prix : vous en allez juger vous-même ; l’autre, parce qu’il n’est pas décidé que mon ouvrage vaille mieux que le vôtre, et que je ne veux pas vous voler un prix qui peut-être vous appartient. Je m’en tiens donc à la parole que vous m’avez donnée. Écoutez mon épître. » Il l’entendit, et il convint qu’il y avoit des endroits hardis et périlleux. Nous voilà donc rivaux confidens l’un de l’autre, et concurrens de l’abbé Delille.

Or un jour, lorsque l’Académie examinoit, pour adjuger le prix, les pièces mises au concours, je rencontrai Duclos à l’Opéra, et lui en demandai des nouvelles. « Ne m’en parlez pas, me dit-il ; je crois que ce concours mettra le feu à l’Académie. Trois pièces, comme on n’en voit guère, se disputent le prix. Il y en a deux dont le mérite n’est pas douteux, tout le monde en convient ; mais la