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autant d’impatience qu’ils en avoient eux-mêmes de me voir à l’Académie, j’aurois été bien malheureux. Mais, en les assurant qu’en dépit de l’intrigue j’obtiendrois cette place d’où l’on vouloit m’exclure, je leur déclarai qu’au surplus je serois encore assez fier si je la méritois même sans l’obtenir. Je m’appliquai donc à finir ma traduction de la Pharsale et ma Poétique françoise ; je mis l’Épître aux poètes au concours de l’Académie, et, à mesure que les éditions de mes Contes se succédoient, j’en faisois de nouveaux.

Le succès de l’Épître aux poètes fut tel que Voltaire l’avoit prédit ; mais ce ne fut pas sans difficulté qu’elle l’emporta sur deux ouvrages estimables qui lui disputoient le prix : l’un étoit l’Épître au peuple, de Thomas ; l’autre l’Épître, de l’abbé Delille, sur les avantages de la retraite pour les gens de lettres. Cette circonstance de ma vie fut assez remarquable pour nous occuper un moment.

À peine avois-je mis mon épître au concours, lorsque Thomas, selon sa coutume, vint me communiquer celle qu’il y alloit envoyer. Je la trouvai belle, et d’un ton si noble et si ferme que je crus au moins très possible qu’elle l’emportât sur la mienne. « Mon ami, lui dis-je après l’avoir entendue et fort applaudie, j’ai de mon côté une confidence à vous faire ; mais j’y mets deux conditions : l’une, que vous me garderez le secret le