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C’étoient le duc un tel, la marquise une telle, les princes du sang, la famille royale ; en un mot, la ville et la cour. « Où en suis-je donc, moi, m’écriai-je, qui, en mariant ma sœur à un jeune homme instruit, versé dans les affaires, plein d’esprit et de sens ; et, de plus, honnête homme, lui ai donné pour dot l’espérance d’obtenir un emploi par mon foible crédit ? Je vais lui écrire de ne pas s’en flatter. — Pourquoi, me dit Bouret, pourquoi jouer à votre sœur le mauvais tour d’affliger son mari ? l’amour triste est bien froid ; laissez-leur l’espérance : c’est un bien, en attendant mieux. »

Ils me quittèrent pour aller travailler avec le ministre ; et, quand je fus retiré chez moi, un garçon de bureau vint, de leur part, me demander les noms de mon beau-frère. Le soir même il eut un emploi. Je n’ai pas besoin de vous dire quel fut le lendemain l’élan de ma reconnoissance. Ce fut l’époque d’une longue amitié entre Bouret et moi. J’en parlerai plus à loisir.

L’emploi donné à M. Odde me parut cependant et trop oiseux et trop obscur pour un homme de son talent. Je l’échangeai contre un emploi plus difficile et de moindre valeur, afin qu’en se faisant connoître il pût contribuer à son avancement. Le lieu de sa destination étoit Saumur. En s’y rendant, sa femme et lui, ils vinrent me voir à Paris ; et je ne puis exprimer la joie dont ma sœur fut pénétrée