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nom de l’amitié, je ne balançai pas à le lui rendre. Je tâchai même de me persuader que les talens de mon beau-frère auroient été ensevelis dans un magasin de tabac ; au lieu que, dans une recette qui demandoit un homme instruit, vigilant, appliqué, il pourroit se faire connoître et mériter de l’avancement. Je ne crus donc pas lui faire tort ; et, généreux à ses dépens, je le fus à l’excès : car, l’emploi de Chinon étant d’une valeur double de celui de Saumur, La Popelinière m’offroit pour cet échange un dédommagement annuel de douze cents livres ; et moi je ne voulus, pour compensation, que le plaisir de l’obliger. Eh bien ! ce mince emploi, où mon beau-frère avoit rétabli l’ordre, l’activité, l’exactitude, et qu’on lui avoit permis de joindre à celui du grenier à sel qu’il avoit obtenu depuis, quelqu’un, à mon insu, l’a sollicité pour un autre, et mon beau-frère l’a perdu. — Et La Popelinière a souffert qu’on vous l’ait enlevé ? — Que vouliez-vous qu’il fît ? — Et, sandis ! étoit-il sans crédit dans sa compagnie ? et du moins ne devoit-il pas reconnoître et faire valoir ce que vous aviez fait pour lui ? — Que direz-vous donc, ajoutai-je, quand vous saurez que c’est lui-même qui, sans m’en dire un mot, a demandé, sollicité cet emploi pour son secrétaire, et en a dépouillé le mari de ma sœur ? — Cela n’est pas possible. — Cela n’est que trop vrai : les fermiers