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homme de mon état se puisse flatter de jouir. Pour l’établir solidement et sur sa base naturelle, je veux dire sur le repos de l’esprit et de l’âme, je commençai par me délivrer de mes inquiétudes domestiques. L’âge ou les maladies, celle surtout qui sembloit être contagieuse dans ma famille, diminuoient successivement le nombre de ces bons parens que j’avois eu tant de plaisir à faire vivre dans l’aisance. J’avois déjà obtenu de mes tantes de cesser tout commerce, et, après avoir liquidé nos dettes, j’avois ajouté des pensions au revenu de mon petit bien. Or, ces pensions de cent écus chacune étant réduites au nombre de cinq, il me restoit à moi d’abord la moitié de mes mille écus de pension sur le Mercure ; j’avois de plus les cinq cents livres d’intérêts de dix mille francs que j’avois employés au cautionnement de M. Odde ; j’y ajoutai une rente de cinq cent quarante livres sur le duc d’Orléans, et, du surplus des fonds qui me restoient dans la caisse du Mercure, j’achetai quelques effets royaux. Ainsi, pour mon loyer, mon domestique et moi, je n’avois guère moins de mille écus à dépenser. Je n’en avois jamais dépensé davantage. Mme Geoffrin vouloit même que le payement de mon loyer cessât dès lors ; mais je la priai de permettre que j’essayasse encore un an si mes facultés ne me suffiroient pas, en l’assurant que, si mon loyer me gênoit, je le lui avouerois